Trous noirs

Toutefois, plusieurs techniques d’observation indirecte dans différentes longueurs d’ondes ont été mises au point et permettent d’étudier les phénomènes qu’ils induisent. En particulier, la matière happée par un trou noir est chauffée à des températures considérables avant d’être « engloutie » et émet une quantité importante de rayons X. Envisagée dès le xviiie siècle, dans le cadre de la mécanique classique, leur existence — prédite par la relativité générale — est une certitude pour la quasi-totalité des astrophysiciens et des physiciens théoriciens. La gravitation étant le seul effet pouvant sortir d’un trou noir, une observation quasi-directe de trous noirs a pu être détaillée en février 2016 par le biais de la première observation directe des ondes gravitationnelles.

Dans le cadre de la relativité générale, un trou noir est défini comme une singularité gravitationnelle occultée par un horizon absolu appelé horizon des évènements. Selon la physique quantique, un trou noir est susceptible de s’évaporer par l’émission d’un rayonnement de corps noir appelé rayonnement de Hawking.

Un trou noir ne doit pas être confondu avec un trou blanc ni avec un trou de ver.

Présentation et terminologie

Un trou noir possède une masse donnée, concentrée en un point que l’on appelle singularité gravitationnelle. Cette masse permet de définir une sphère appelée horizon du trou noir, centrée sur la singularité et dont le rayon est une limite maximale en deçà de laquelle le trou noir empêche tout rayonnement et a fortiori toute matière de s’échapper. Cette sphère représente en quelque sorte l’extension spatiale du trou noir. C’est ainsi que le terme « trou » est inapproprié : il serait plus correct de parler de « boule noire » pour conceptualiser concrètement sa forme physique réelle tridimensionnelle dans l’espace. Pour un trou noir de masse égale à celle du Soleil, son rayon vaut environ 3 kilomètres. À une distance interstellaire (en millions de kilomètres), un trou noir n’exerce pas plus d’attraction que n’importe quel autre corps de même masse ; il ne s’agit donc pas d’un « aspirateur » irrésistible. Par exemple, si le Soleil se trouvait remplacé par un trou noir de même masse, les orbites des corps tournant autour (planètes et autres) resteraient pour l’essentiel inchangées (seuls les passages à proximité de l’horizon induiraient un changement notable).

Il existe plusieurs sortes de trous noirs. Lorsqu’ils se forment à la suite de l’effondrement gravitationnel d’une étoile massive, on parle de trou noir stellaire, dont la masse équivaut à quelques masses solaires. Ceux qui se trouvent au centre des galaxies possèdent une masse bien plus importante pouvant atteindre plusieurs milliards de fois celle du Soleil ; on parle alors de trou noir supermassif (ou trou noir galactique). Entre ces deux échelles de masse, il existerait des trous noirs intermédiaires avec une masse de quelques milliers de masses solaires. Des trous noirs de masse bien plus faible, formés au début de l’histoire de l’Univers, peu après le Big Bang, sont aussi envisagés et sont appelés trous noirs primordiaux. Leur existence n’est, à l’heure actuelle, pas confirmée.

Il est par définition impossible d’observer directement un trou noir. Il est cependant possible de déduire sa présence de son action gravitationnelle : soit par les effets sur les trajectoires des étoiles proches ; soit au sein des microquasars et des noyaux actifs de galaxies, où de la matière, située à proximité, tombant sur le trou noir va se trouver considérablement chauffée et émettre un fort rayonnement X. Les observations permettent ainsi de déceler l’existence d’objets massifs et de très petite taille. Les seuls objets correspondant à ces observations et entrant dans le cadre de la relativité générale sont les trous noirs.

Historique

Le concept de trou noir a émergé à la fin du XVIIe siècle dans le cadre de la gravitation universelle d’Isaac Newton. La question était de savoir s’il existait des objets dont la masse était suffisamment grande pour que leur vitesse de libération soit plus grande que la vitesse de la lumière. Cependant, ce n’est qu’au début du XXe siècle et avec l’avènement de la relativité générale d’Albert Einstein que le concept de trou noir devient plus qu’une curiosité. En effet, peu après la publication des travaux d’Einstein, une solution de l’équation d’Einstein est publiée par Karl Schwarzschild, à partir de laquelle l’existence du rayon de Schwarzschild et les caractéristiques mathématiques de l’espace intérieur suscitent beaucoup d’interrogations, et tout cela ne sera mieux compris qu’avec la découverte d’autres solutions exactes. Robert Oppenheimer en 1935 est un des premiers physiciens à interpréter ces résultats comme la possible existence de ce que l’on appelle aujourd’hui un trou noir (nommé plutôt collapse gravitationnel à l’époque). Les travaux fondamentaux sur les trous noirs remontent aux années 1960, précédant de peu les premières indications observationnelles solides en faveur de leur existence. La première « observation » d’un objet contenant un trou noir fut celle de la source de rayons X Cygnus X-1 par le satellite Uhuru en 1971.

Quatre types théoriques

Un trou noir possède toujours une masse non nulle. En revanche, ses deux autres caractéristiques, à savoir le moment cinétique (hérité de celui, initial, de la matière l’ayant formé, et détectable seulement par l’effet produit sur la matière environnante) et la charge électrique, peuvent en principe prendre des valeurs nulles (c’est-à-dire égales à zéro) ou non nulles. La combinaison de ces états permet de définir quatre types de trous noirs.

Quand la charge électrique et le moment cinétique sont nuls, on parle de trou noir de Schwarzschild, du nom de Karl Schwarzschild qui, le premier, a mis en évidence ces objets comme solutions des équations de la relativité générale (les équations d’Einstein), en 1916.

Quand la charge électrique est non nulle et le moment cinétique nul, on parle de trou noir de Reissner-Nordström. Ces trous noirs ne présentent pas d’intérêt astrophysique notable, car aucun processus connu ne permet de fabriquer un objet compact conservant durablement une charge électrique significative ; celle-ci se dissipe normalement rapidement par absorption de charges électriques opposées prises à son environnement13. Un trou noir de Reissner-Nordström est donc un objet théorique très improbable dans la nature.

Si le trou noir possède un moment cinétique, mais n’a pas de charge électrique, on parle de trou noir de Kerr, du nom du mathématicien néo-zélandais Roy Kerr qui a trouvé la formule décrivant ces objets en 1963. Contrairement aux trous noirs de Reissner-Nordström et de Schwarzschild, les trous noirs de Kerr présentent un intérêt astrophysique considérable, car les modèles de formation et d’évolution des trous noirs indiquent que ceux-ci ont tendance à absorber la matière environnante par l’intermédiaire d’un disque d’accrétion dans lequel la matière tombe en spiralant toujours dans le même sens dans le trou noir. Ainsi, la matière communique du moment cinétique au trou noir qui l’engloutit. Les trous noirs de Kerr sont donc les seuls que l’on s’attend réellement à rencontrer en astronomie. Cependant, il reste possible qu’il existe des trous noirs à moment cinétique très faible, s’apparentant en pratique à des trous noirs de Schwarzschild.

La version électriquement chargée du trou noir de Kerr, dotée comme lui d’une rotation, est connue sous le nom de trou noir de Kerr-Newman et ne présente comme le trou noir de Reissner-Nordström ou celui de Schwarzschild que peu d’intérêt astrophysique étant donnée sa très faible probabilité.

D’un point de vue théorique, il peut exister d’autres types de trous noirs avec des propriétés différentes. Par exemple, il existe un analogue du trou noir de Reissner-Nordström, mais en remplaçant la charge électrique par une charge magnétique, c’est-à-dire créée par des monopôles magnétiques, dont l’existence reste extrêmement hypothétique à ce jour. On peut de même généraliser le concept de trou noir à des espaces comprenant plus de trois dimensions. Ceci permet d’exhiber des types de trous noirs ayant des propriétés parfois différentes de celles des trous noirs présentés ci-dessus.

Le trou et le noir

L’existence des trous noirs est envisagée dès le xviiie siècle indépendamment par John Michell et Pierre-Simon de Laplace. Il s’agissait alors d’objets prédits comme suffisamment denses pour que leur vitesse de libération soit supérieure à la vitesse de la lumière — c’est-à-dire que même la lumière ne peut vaincre leur force gravitationnelle. Plutôt qu’une telle force (qui est un concept newtonien), il est plus juste de dire que la lumière subit en fait un décalage vers le rouge infini. Ce décalage vers le rouge est d’origine gravitationnelle : la lumière perd la totalité de son énergie en essayant de sortir du puits de potentiel d’un trou noir.
Ce décalage vers le rouge est donc d’une nature quelque peu différente de celui dû à l’expansion de l’Univers, que l’on observe pour les galaxies lointaines et qui résulte d’une expansion d’un espace ne présentant pas de puits de potentiels très profonds. De cette caractéristique provient l’adjectif « noir », puisqu’un trou noir ne peut émettre de lumière. Ce qui est valable pour la lumière l’est aussi pour la matière : aucune particule ne peut s’échapper d’un trou noir une fois capturée par celui-ci, d’où le terme de « trou ».

Horizon des évènements

La zone sphérique qui délimite la région d’où lumière et matière ne peuvent s’échapper, est appelée « horizon des évènements ». On parle parfois de « surface » du trou noir, quoique le terme soit quelque peu impropre (il ne s’agit pas d’une surface solide ou gazeuse comme la surface d’une planète ou d’une étoile). Il ne s’agit pas d’une région qui présente des caractéristiques particulières : un observateur qui franchirait l’horizon ne ressentirait rien de spécial à ce moment-là (voir ci-dessous). En revanche, il se rendrait compte qu’il ne pourrait plus s’échapper de cette région s’il essayait de faire demi-tour. C’est une sorte de surface de non-retour.

En revanche, un observateur situé au voisinage de l’horizon remarquera que le temps s’écoule différemment pour lui et pour un observateur situé loin du trou noir. Si ce dernier lui envoie des signaux lumineux à intervalles réguliers (par exemple une seconde), alors l’observateur proche du trou noir recevra des signaux plus énergétiques (la fréquence des signaux lumineux sera plus élevée, conséquence du décalage vers le bleu subi par la lumière qui tombe vers le trou noir) et les intervalles de temps séparant deux signaux consécutifs seront plus rapprochés (moins d’une seconde, donc). Cet observateur aura donc l’impression que le temps s’écoule plus vite pour son confrère resté loin du trou noir que pour lui. À l’inverse, l’observateur resté loin du trou noir verra son collègue évoluer de plus en plus lentement, le temps chez celui-ci donnant l’impression de s’écouler plus lentement.

Si l’observateur distant voit un objet tomber dans un trou noir, les deux phénomènes de dilatation du temps et de décalage vers le rouge vont se combiner. Les éventuels signaux émis par l’objet seront de plus en plus rouges, de moins en moins lumineux (la lumière émise perd de plus en plus d’énergie avant d’arriver à l’observateur lointain) et de plus en plus espacés. En pratique, le nombre de photons reçus par l’observateur distant va décroître très rapidement, jusqu’à devenir nul : à ce moment-là, l’objet en train de chuter dans le trou noir est devenu invisible. Même si l’observateur distant tente d’approcher l’horizon en vue de récupérer l’objet qu’il a eu l’impression de voir s’arrêter juste avant l’horizon, celui-ci demeurera invisibleNote 5.

Pour un observateur s’approchant d’une singularité, ce sont les effets de marée qui vont devenir importants. Ces effets, qui déterminent les déformations d’un objet (le corps d’un astronaute, par exemple) du fait des hétérogénéités du champ gravitationnel, seront inéluctablement ressentis par un observateur s’approchant de trop près d’un trou noir ou d’une singularité. La région où ces effets de marée deviennent importants est entièrement située dans l’horizon pour les trous noirs supermassifs, mais empiète notablement hors de l’horizon pour des trous noirs stellaires. Ainsi, un observateur s’approchant d’un trou noir stellaire serait déchiqueté avant de passer l’horizon, alors que le même observateur qui s’approcherait d’un trou noir supermassif passerait l’horizon sans encombre. Il serait tout de même inéluctablement détruit par les effets de marée en s’approchant de la singularité.

Un Trou Noir supermassif récrée en V.R

01
Jan
2014