Programme Voyager

Les données collectées par les 9 instruments portés par chaque sonde en font sans doute la mission d’exploration du Système solaire la plus fructueuse sur le plan scientifique de toute l’histoire spatiale. Les sondes Voyager sont les premières à effectuer un survol d’Uranus et Neptune et les secondes à étudier Jupiter et Saturne. Voyager 1 et 2 ont permis d’obtenir des informations détaillées sur l’atmosphère de Jupiter, Saturne et Uranus. Elles ont révélé de nombreux détails sur la structure des anneaux de Saturne, permis de découvrir les anneaux de Jupiter et ont fourni les premières images détaillées des anneaux d’Uranus et de Neptune. Les sondes ont découvert en tout 33 nouvelles lunes. Elles ont révélé l’activité volcanique de Io et la structure étrange de la surface de la lune galiléenne Europe.

La NASA met sur pied en 1972 le programme Voyager pour exploiter une conjonction des planètes extérieures exceptionnelle qui doit permettre aux sondes de survoler plusieurs des planètes pratiquement sans dépense en carburant, en utilisant l’assistance gravitationnelle. Malgré les contraintes budgétaires liées à un climat économique et politique peu favorable à l’espace, la NASA après avoir renoncé à un projet plus ambitieux, parvient à construire deux engins parfaitement adaptés à ce programme complexe comme vont le prouver la longévité et la qualité du matériel scientifique récolté par les deux sondes. Voyager 1 et 2 sont dans leur catégorie des engins lourds, 800 kg emportant plus de 100 kg d’instrumentation scientifique à comparer à la masse totale 235 kg des sondes Pioneer lancées en 1972-1973 qui ont pénétré pour la première fois dans les régions externes du système solaire et survolé Jupiter et Saturne.

Les sondes Voyager sont, en 2014, toujours en état de fonctionnement ; plusieurs de leurs instruments continuent à transmettre des informations sur le milieu environnant. Le 16 décembre 2004, Voyager 1 a traversé le choc terminal, faisant de lui le premier objet humain explorant l’héliogaine.[Quoi ?]. En septembre 2013, la sonde devient officiellement le premier objet de fabrication humaine à sortir de l’héliosphère, mais elle en était déjà sortie depuis le mois d’août 2012[Information douteuse] [?]. Se déplaçant à plus de 17 km/s par rapport au Soleil, Voyager 1, porteur d’un message symbolique de l’Humanité, devrait être la première sonde spatiale à passer à proximité d’une autre étoile dans 40 000 ans. Bien avant, vers 2020, la sonde aura cessé de fonctionner du fait de la défaillance des thermocouples des générateurs thermoélectriques à radioisotope qui lui fournissent son énergie.

Planètes externes : des objectifs difficiles à atteindre

Au début de l’ère spatiale, l’exploration du Système solaire se limite à l’envoi de sondes spatiales vers les planètes intérieures proches : Mars et Vénus. Mercure et les planètes extérieures du Système solaire, de Jupiter à Pluton, sont des objectifs difficiles à atteindre pour un engin spatial : pour y parvenir, celui-ci doit être lancé avec une vitesse qui nécessite un lanceur très puissant dont l’agence spatiale américaine ne dispose pas au début des années 1960. À l’époque, la conception des sondes spatiales en est à ses balbutiements et leur fiabilité est limitée. Au début des années 1960, américains comme soviétiques lancent généralement leurs sondes spatiales par paire pour accroître la chance que l’une d’entre elles remplissent les objectifs de la mission. La durée importante du transit d’une sonde spatiale vers les planètes externes (plusieurs années) s’accompagne d’une dégradation progressive de certains organes et augmente la probabilité de panne. Par ailleurs, au fur et à mesure de l’éloignement du Soleil, la diminution du rayonnement solaire réduit l’énergie disponible et la distance limite le débit des transmissions et nécessite un fonctionnement en quasi-autonomie.

Le programme Grand Tour

À la fin des années 1960, dans l’euphorie des succès du programme Apollo, la NASA imagine de lancer plusieurs sondes de grande taille en utilisant la fusée lunaire Saturn V. Dans cette optique, l’agence spatiale définit les caractéristiques d’une nouvelle famille de sondes dédiées à l’exploration des planètes extérieures qui est baptisée « Thermoelectric Outer Planets Spacecraft » (TOPS) ; ces sondes doivent avoir recours à des générateurs thermoélectriques à radioisotope qui fournissent l’énergie en se substituant aux panneaux solaires utilisés habituellement. Le programme Grand Tour renommé par la suite « Outer Planets Grand Tour Project » (OPGTP) est mis sur pied en 1969. Il prévoit le lancement de 4 à 5 sondes reposant sur le concept TOPS dont deux, lancées en 1976 et 1977, doivent survoler Jupiter, Saturne et Pluton tandis que deux autres, lancées en 1979, doivent survoler Jupiter, Uranus et Neptune. Le coût du programme est compris entre 750 et 900 millions de dollars auxquels il faut ajouter 106 millions US$ pour le lancement. Les postes de dépense les plus importants étaient associés au développement d’un ordinateur permettant à la sonde spatiale de fonctionner de manière autonome et baptisé STAR (Self-Test And Repair computer) et l’autre au développement de la plateforme des TOPS.

Annulation du programme Grand Tour

Le début des années 1970 est une période de récession économique pour les États-Unis qui se traduit notamment par une forte réduction des budgets accordés à la NASA. Par ailleurs, la compétition avec l’Union soviétique n’est plus aussi vive et ne permet pas de motiver les décideurs politiques comme l’opinion publique à investir dans le spatial. Plusieurs motifs se conjuguent pour entrainer l’annulation du programme Grand Tour. Le budget alloué à la NASA qui avait crû dans des proportions énormes au milieu des années 1960 pour le programme Apollo est en forte réduction. Au sein des programmes de la NASA, le programme Grand Tour est en concurrence avec d’autres grands projets : le grand télescope spatial (futur télescope spatial Hubble) et le programme de la navette spatiale américaine tandis que le développement du programme Viking va de dépassement en dépassement. La communauté scientifique, dont les représentants sont réunis par la NASA au mois d’août 1971, donne son appui au projet Grand Tour et la NASA décide à l’automne de soumettre un budget incluant à la fois le développement de la navette spatiale américaine et le projet Grand Tour. Mais le président Nixon, favorable au développement de la navette spatiale, n’est pas prêt à financer les deux projets. C’est à l’administrateur de la NASA de l’époque, James Fletcher, de trancher. Celui-ci décide en décembre 1971 de retirer le projet d’exploration des planètes externes de sa proposition de budget 1973 et de le remplacer par la réalisation de deux petites sondes spatiales Mariner qui seraient lancées en 1977.

Le programme Mariner Jupiter-Saturn

Dès juillet 1972, la NASA a lancé un projet d’exploration des planètes à faible coût baptisé « Mariner Jupiter/Saturn 1977 » (MJS). Pour un tiers du prix du Grand Tour (361 millions US$ contre 1 milliard US$), ce projet doit permettre de suivre les recommandations du Space Science Board. Le nouveau programme prévoit la fabrication de deux sondes spatiales dérivées de la famille Mariner mise en œuvre pour l’exploration des planètes intérieures. Par rapport au programme Grand Tour, l’objectif scientifique est réduit au survol des deux principales planètes externes Jupiter et Saturne. Le nouveau projet est accueilli favorablement par la communauté scientifique (qui émet néanmoins le souhait que le vol des sondes spatiales pourra prolonger leur exploration au-delà de l’orbite de Saturne). Le budget est débloqué par le Sénat américain en 1973. Une enveloppe budgétaire de 250 millions US$ doit couvrir à la fois les coûts de fabrication et les coûts opérationnels. La NASA décide de confier la conception et le développement des sondes spatiales à son centre Jet Propulsion Laboratory au lieu de le sous-traiter aux sociétés Boeing, General Electric, Hughes, Martin Marietta ou North American Rockwell qui avaient travaillé sur le programme Grand Tour. Officiellement, cette mesure doit permettre de réduire les coûts mais les dirigeants de la NASA visent également à maintenir une expertise dans le domaine de la conception des sondes planétaires, Les sondes baptisées, qui portent les noms de Mariner 11 et 12, sont conçues pour une durée de vie de 4 ans suffisante pour le survol de Jupiter et de Saturne contre 10 ans pour les sondes TOPS du programme Grand Tour.

Développement

Le projet est lancé officiellement le 1er juillet 1972 et la première réunion du groupe de travail scientifique chargé de fixer les objectifs détaillés de la mission a lieu en décembre 19724. La fabrication des sondes spatiales démarre en mars 1975 avec l’achèvement de la phase de conception. Les sondes à faible coût Pioneer 10 (lancée en 1972), et 11 (lancée en 1973), chargées de reconnaître le parcours, apportent des informations vitales sur la forme et l’intensité du rayonnement autour de la planète Jupiter (1000 fois plus intense que prévu) et confirment qu’il existe bien une région dégagée d’obstacles entre l’atmosphère supérieure de Saturne et l’anneau interne de la planète géante. Ces informations sont prises en compte dans la conception des Voyager et dans la sélection des instruments scientifiques1.

L’expérience acquise avec la série particulièrement réussie des sondes spatiales Mariner développées par le JPL est largement mise à profit pour le développement des sondes Voyager. Mais pour obtenir la fiabilité et les performances recherchées, les ingénieurs du JPL utilisent également des sous-systèmes des orbiters Viking. La durée de vie des batteries développées par la Commission de l’énergie atomique est portée à 10 ans à la demande de la NASA. Une enveloppe supplémentaire de 7 millions US$ est débloquée par le Congrès américain pour financer des améliorations scientifiques et technologiques dont le développement d’un ordinateur reprogrammable en vol qui jouera un rôle crucial durant la mission de Voyager 2. L’objectif officiel du programme était le survol uniquement des deux géantes gazeuses. La fenêtre de lancement des sondes spatiales est identique à celle du Grand Tour et permet donc également le survol d’Uranus et Neptune. Les ingénieurs impliqués dans la réalisation des sondes, contrevenant aux spécifications, définissent un engin aux caractéristiques très proches des sondes TOPS aptes à survoler Uranus et Neptune. Présentée officiellement comme une option en cas de succès du survol de Saturne, il ne faisait pas de doute pour les scientifiques que la mission serait prolongée.

18
Déc
2013