Le Big Bang

Ce modèle est désigné pour la première fois sous le terme ironique de « Big Bang » lors d’une émission de la BBC, The Nature of Things le 28 mars 1949 (dont le texte fut publié en 1950), par le physicien britannique Fred Hoyle, qui lui-même préférait les modèles d’état stationnaire.

De façon générale, le terme « Big Bang » est associé à toutes les théories qui décrivent notre Univers comme issu d’une dilatation rapide qui fait penser (abusivement) à une explosion, et est également le nom associé à cette époque dense et chaude qu’a connue l’Univers il y a 13,8 milliards d’années sans que cela préjuge de l’existence d’un « instant initial » ou d’un commencement à son histoire.

Le concept général du Big Bang, à savoir que l’Univers est en expansion et a été plus dense et plus chaud par le passé, doit sans doute être attribué au Russe Alexandre Friedmann, qui l’avait proposé en 1922, cinq ans avant Lemaître. Son assise ne fut cependant établie qu’en 1965 avec la découverte du fond diffus cosmologique, l’« éclat disparu de la formation des mondes », selon les termes de Georges Lemaître, qui attesta de façon définitive la réalité de l’époque dense et chaude de l’Univers primordial. Albert Einstein, en mettant au point la relativité générale, aurait pu déduire l’expansion de l’Univers, mais a préféré modifier ses équations en y ajoutant sa constante cosmologique, car il était persuadé que l’Univers devait être statique.

Le terme de « Big Bang chaud » (« Hot Big Bang ») était parfois utilisé initialement pour indiquer que, selon ce modèle, l’Univers était plus chaud quand il était plus dense. Le qualificatif de « chaud » était ajouté par souci de précision, car le fait que l’on puisse associer une notion de température à l’Univers dans son ensemble n’était pas encore bien compris au moment où le modèle a été proposé, au milieu du XXe siècle.

Introduction

Selon le modèle du Big Bang, l’Univers actuel a émergé d’un état extrêmement dense et chaud il y a un peu plus de 13 milliards et demi d’années.
La découverte de la relativité générale par Albert Einstein en 1915 marque le début de la cosmologie moderne, où il devient possible de décrire l’Univers dans son ensemble comme un système physique, son évolution à grande échelle étant décrite par la relativité générale.

Einstein est d’ailleurs le premier à utiliser sa théorie fraîchement découverte, tout en y ajoutant un terme supplémentaire, la constante cosmologique, pour proposer une solution issue de la relativité générale décrivant l’espace dans son ensemble, appelée univers d’Einstein. Ce modèle introduit un concept extrêmement audacieux pour l’époque, le principe cosmologique, qui stipule que l’Homme n’occupe pas de position privilégiée dans l’Univers, ce qu’Einstein traduit par le fait que l’Univers soit homogène et isotrope, c’est-à-dire semblable à lui-même quels que soient le lieu et la direction dans laquelle on regarde. Cette hypothèse était relativement hardie, car, à l’époque, aucune observation concluante ne permettait d’affirmer l’existence d’objets extérieurs à la Voie lactée, bien que le débat sur cette question existe dès cette époque (par la suite appelé le Grand Débat).

Au principe cosmologique, Einstein ajoute implicitement une autre hypothèse qui paraît aujourd’hui nettement moins justifiée, celle que l’Univers est statique, c’est-à-dire n’évolue pas avec le temps. C’est cet ensemble qui le conduit à modifier sa formulation initiale en ajoutant à ses équations le terme de constante cosmologique. L’avenir lui donne tort, car dans les années 1920, Edwin Hubble découvre la nature extragalactique de certaines « nébuleuses » (aujourd’hui appelées galaxies), puis leur éloignement de la Galaxie avec une vitesse proportionnelle à leur distance : c’est la loi de Hubble. Dès lors, plus rien ne justifie l’hypothèse d’un Univers statique proposée par Einstein.

Avant même la découverte de Hubble, plusieurs physiciens, dont Willem de Sitter, Georges Lemaître et Alexandre Friedmann, découvrent d’autres solutions de la relativité générale décrivant un Univers en expansion. Leurs modèles sont alors immédiatement acceptés dès la découverte de l’expansion de l’Univers. Ils décrivent ainsi un Univers en expansion depuis plusieurs milliards d’années. Par le passé, celui-ci était donc plus dense et plus chaud.

Big Bang ou état stationnaire ?

La découverte de l’expansion de l’Univers prouve que celui-ci n’est pas statique, mais laisse place à plusieurs interprétations possibles :

soit il y a conservation de la matière (hypothèse a priori la plus réaliste), et donc dilution de celle-ci dans le mouvement d’expansion, et, dans ce cas, l’Univers était plus dense par le passé : c’est le Big Bang ;
soit on peut imaginer, à l’inverse, que l’expansion s’accompagne d’une création (voire d’une disparition) de matière. Dans ce cadre-là, l’hypothèse la plus esthétique est d’imaginer un phénomène de création continue de matière contrebalançant exactement sa dilution par l’expansion. Un tel Univers serait alors stationnaire.
Dans un premier temps, c’est cette seconde hypothèse qui a été la plus populaire, bien que le phénomène de création de matière ne soit pas motivé par des considérations physiques. L’une des raisons de ce succès est que dans ce modèle, appelé théorie de l’état stationnaire, l’univers est éternel. Il ne peut donc y avoir de conflit entre l’âge de celui-ci et l’âge d’un objet céleste quelconque.

À l’inverse, dans l’hypothèse du Big Bang, l’Univers a un âge fini, que l’on déduit directement de son taux d’expansion (voir équations de Friedmann). Dans les années 1940, le taux d’expansion de l’Univers était très largement surestimé, ce qui conduisait à une importante sous-estimation de l’âge de l’Univers. Or diverses méthodes de datation de la Terre indiquaient que celle-ci était plus vieille que l’âge de l’Univers estimé par son taux d’expansion. Les modèles de type Big Bang étaient donc en difficulté vis-à-vis de telles observations. Ces difficultés ont disparu à la suite d’une réévaluation plus précise du taux d’expansion de l’Univers.

Preuves observationnelles

Deux preuves observationnelles décisives ont donné raison aux modèles de Big Bang : il s’agit de la détection du fond diffus cosmologique, rayonnement de basse énergie (domaine micro-onde) vestige de l’époque chaude de l’histoire de l’univers, et la mesure de l’abondance des éléments légers, c’est-à-dire des abondances relatives de différents isotopes de l’hydrogène, de l’hélium et du lithium qui se sont formés pendant la phase chaude primordiale.

Ces deux observations remontent au début de la seconde moitié du XXe siècle, et ont assis le Big Bang comme le modèle décrivant l’univers observable. Outre la cohérence quasi parfaite du modèle avec tout un autre ensemble d’observations cosmologiques effectuées depuis, d’autres preuves relativement directes sont venues s’ajouter : l’observation de l’évolution des populations galactiques, et la mesure du refroidissement du fond diffus cosmologique depuis plusieurs milliards d’années.

Fond diffus cosmologique

Le fond diffus cosmologique, découvert en 1965 est le témoin le plus direct du Big Bang. Depuis, ses fluctuations ont été étudiées par les sondes spatiales COBE (1992), WMAP (2003) et Planck (2009).

L’expansion induit naturellement que l’Univers a été plus dense par le passé. À l’instar d’un gaz qui s’échauffe quand on le comprime, l’Univers devait aussi être plus chaud par le passé. Cette possibilité semble évoquée pour la première fois en 1934 par Georges Lemaître, mais n’est réellement étudiée qu’à partir des années 1940. Selon l’étude de George Gamow (entre autres), l’Univers doit être empli d’un rayonnement qui perd de l’énergie du fait de l’expansion, selon un processus semblable à celui du décalage vers le rouge du rayonnement des objets astrophysiques distants.

Gamow réalise en effet que les fortes densités de l’Univers primordial doivent avoir permis l’instauration d’un équilibre thermique entre les atomes, et par suite l’existence d’un rayonnement émis par ceux-ci. Ce rayonnement devait être d’autant plus intense que l’Univers était dense, et devait donc encore exister aujourd’hui, bien que considérablement moins intense. Gamow fut le premier (avec Ralph Alpher et Robert C. Herman) à réaliser que la température actuelle de ce rayonnement pouvait être calculée à partir de la connaissance de l’âge de l’Univers, la densité de matière, et l’abondance d’hélium.

Ce rayonnement est appelé aujourd’hui fond diffus cosmologique, ou parfois rayonnement fossile. Il correspond à un rayonnement de corps noir à basse température (2,7 kelvins), conformément aux prédictions de Gamow. Sa découverte, quelque peu fortuite, est due à Arno Allan Penzias et Robert Woodrow Wilson en 1965, qui seront récompensés par le Prix Nobel de physique en 1978.

L’existence d’un rayonnement de corps noir est facile à expliquer dans le cadre du modèle du Big Bang : par le passé, l’Univers est très chaud et baigne dans un rayonnement intense. Sa densité, très élevée, fait que les interactions entre matière et rayonnement sont très nombreuses, ce qui a pour conséquence que le rayonnement est thermalisé, c’est-à-dire que son spectre électromagnétique est celui d’un corps noir. L’existence d’un tel rayonnement dans la théorie de l’état stationnaire est par contre quasiment impossible à justifier (bien que ses rares tenants affirment le contraire).

Bien que correspondant à un rayonnement à basse température et peu énergétique, le fond diffus cosmologique n’en demeure pas moins la plus grande forme d’énergie électromagnétique de l’Univers : près de 96 % de l’énergie existant sous forme de photons est dans le rayonnement fossile, les 4 % restants résultant du rayonnement des étoiles (dans le domaine visible) et du gaz froid dans les galaxies (en infrarouge). Ces deux autres sources émettent des photons certes plus énergétiques, mais nettement moins nombreux.

Dans la théorie de l’état stationnaire, l’existence du fond diffus cosmologique est supposée résulter d’une thermalisation du rayonnement stellaire par d’hypothétiques aiguillettes de fer microscopiques, un tel modèle s’avère en contradiction avec les données observables, tant en termes d’abondance du fer qu’en termes d’efficacité du processus de thermalisation (il est impossible d’expliquer dans ce cadre que le fond diffus cosmologique soit un corps noir quasiment parfait) ou d’isotropie (on s’attendrait à ce que la thermalisation soit plus ou moins efficace selon la distance aux galaxies).

La découverte du fond diffus cosmologique fut historiquement la preuve décisive du Big Bang.

Nucléosynthèse primordiale

Dès la découverte de l’interaction forte et du fait que c’était elle qui était la source d’énergie des étoiles, s’est posée la question d’expliquer l’abondance des différents éléments chimiques dans l’Univers. Au tournant des années 1950 deux processus expliquant cette abondance étaient en compétition : la nucléosynthèse stellaire et la nucléosynthèse primordiale.

Des tenants de l’idée d’état stationnaire comme Fred Hoyle supposaient que de l’hydrogène était produit constamment au cours du temps, et que celui-ci était peu à peu transformé en hélium puis en éléments plus lourds au cœur des étoiles. La fraction d’hélium ou des autres éléments lourds restait constante au cours du temps car la proportion d’hélium augmentait du fait de la nucléosynthèse, mais diminuait en proportion semblable du fait de la création d’hydrogène. À l’inverse, les tenants du Big Bang supposaient que tous les éléments, de l’hélium à l’uranium, avaient été produits lors de la phase dense et chaude de l’univers primordial.

Le modèle actuel emprunte aux deux hypothèses :

D’après celle-ci, l’hélium et le lithium ont effectivement été produits pendant la nucléosynthèse primordiale, mais les éléments plus lourds, comme le carbone ou l’oxygène, ont été créés plus tard au cœur des étoiles (nucléosynthèse stellaire). La principale preuve de cela vient de l’étude de l’abondance des éléments dits « légers » (hydrogène, hélium, lithium) dans les quasars lointains. D’après le modèle du Big Bang, leurs abondances relatives dépendent exclusivement d’un seul paramètre, à savoir le rapport de la densité de photons à la densité de baryons, qui est quasi constant depuis la nucléosynthèse primordiale. À partir de ce seul paramètre, que l’on peut d’ailleurs mesurer par d’autres méthodes, on peut expliquer l’abondance des deux isotopes de l’hélium (3He et 4He) et de celle du lithium (7Li). On observe également une augmentation de la fraction d’hélium au sein des galaxies proches, signe de l’enrichissement progressif du milieu interstellaire par les éléments synthétisés par les étoiles.

Évolution des galaxies

Le modèle du Big Bang présuppose que l’Univers ait été par le passé dans un état bien plus homogène qu’aujourd’hui. La preuve en est apportée par l’observation du fond diffus cosmologique dont le rayonnement est extraordinairement isotrope : les écarts de température ne varient guère plus d’un cent-millième de degré selon la direction d’observation.

Il est donc supposé que les structures astrophysiques (galaxies, amas de galaxies) n’existaient pas à l’époque du Big Bang mais se sont peu à peu formées. Le processus à l’origine de leur formation est d’ailleurs connu depuis les travaux de James Jeans en 1902 : c’est l’instabilité gravitationnelle.

Le Big Bang prédit donc que les galaxies que nous observons se sont formées quelque temps après le Big Bang, et d’une manière générale que les galaxies du passé ne ressemblaient pas exactement à celles que l’on observe dans notre voisinage. Comme la lumière voyage à une vitesse finie, il suffit de regarder des objets lointains pour voir à quoi ressemblait l’univers par le passé.

L’observation des galaxies lointaines, qui d’après la loi de Hubble ont un grand décalage vers le rouge montre effectivement que les galaxies primordiales étaient assez différentes de celles d’aujourd’hui : les interactions entre galaxies étaient plus nombreuses, les galaxies massives moins nombreuses, ces dernières étant apparues plus tard des suites des phénomènes de fusion entre galaxies. De même, la proportion de galaxies spirale, elliptique et irrégulière varie au cours du temps.

Toutes ces observations sont relativement délicates à effectuer, en grande partie car les galaxies lointaines sont peu lumineuses et nécessitent des moyens d’observation très performants pour être bien observées. Depuis la mise en service du télescope spatial Hubble en 1990 puis des grands observatoires au sol VLT, Keck, Subaru, l’observation des galaxies à grand redshift a permis de vérifier les phénomènes d’évolution des populations galactiques prédits par les modèles de formation et d’évolution des galaxies dans le cadre des modèles du Big Bang.

L’étude des toutes premières générations d’étoiles et de galaxies demeure un des enjeux majeurs de la recherche astronomique du début du XXie siècle.

Mesure de la température du fond diffus cosmologique à grand décalage vers le rouge

En décembre 2000, Raghunathan Srianand, Patrick Petitjean et Cédric Ledoux ont mesuré la température du fond diffus cosmologique baignant un nuage interstellaire dont ils ont observé l’absorption du rayonnement émis par le quasar d’arrière plan PKS 1232+0815, situé à un décalage vers le rouge de 2,57.

L’étude du spectre d’absorption permet de déduire la composition chimique du nuage, mais aussi sa température si l’on peut détecter les raies correspondant à des transitions entre différents niveaux excités de divers atomes ou ions présents dans le nuage (dans le cas présent, du carbone neutre). La principale difficulté dans une telle analyse est d’arriver à séparer les différents processus physiques pouvant peupler les niveaux excités des atomes.

Les propriétés chimiques de ce nuage, ajoutées à la très haute résolution spectrale de l’instrument utilisé (le spectrographe UVES du Very Large Telescope) ont pour la première fois permis d’isoler la température du rayonnement de fond. Srianand, Petitjean et Ledoux ont trouvé une température du fond diffus cosmologique comprise entre 6 et 14 kelvins, en accord avec la prédiction du Big Bang, de 9,1 K, étant donné que le nuage est situé à un décalage vers le rouge de 2,33 771.

30
Juil
2013