Tâche rouge Jupiter

La Grande Tache rouge est un gigantesque anticyclone de l’atmosphère de Jupiter situé à 22° sud de latitude. Longue d’environ 15 000 kilomètres et large de près de 12 000 kilomètres (2015), elle est actuellement un peu plus grosse que la Terre, même si elle a atteint des dimensions bien supérieures par le passé. Des vents y soufflent à environ 700 kilomètre par heure. On l’observe depuis 1665, c’est-à-dire il y a plus de 350 ans, bien que le nom de « Grande Tache rouge » n’ait été donné qu’autour de 1878 lorsque la couleur de l’objet était clairement rouge. Vers la fin du XXe siècle, sa couleur passe du rouge à une teinte plus brunâtre.

Dimensions

La Grande Tache rouge dessinée par Thomas Gwyn Elger en novembre 1881 ; le sud est vers le haut, selon l’inversion des télescopes.

Depuis les années 1930, époque à laquelle le phénomène a été découvert, on observe que la taille de la Grande Tache rouge diminue. Ainsi, la tache a perdu la moitié de sa taille au cours du XXe siècle. Les dessins et photographies de la planète nous montrent qu’à la fin du XIXe siècle, la tache couvrait 35 degrés en longitude sur la planète, soit une longueur d’environ 40 000 kilomètres, plus de trois fois le diamètre de la Terre.

Lorsque Voyager 1 et 2 l’ont survolée en 1979, elle avait rapetissé à 21 degrés, soit environ 25 000 kilomètres de long, deux fois le diamètre de la Terre. Sa hauteur en latitude est demeurée à peu près constante, entre 12 0002 et 14 000 kilomètres (environ la taille de la Terre). De nouvelles photographies prises à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle montrent que le phénomène se poursuit et même s’accélère : en 2014, la tache ne mesure plus qu’environ 16 000 kilomètres de long, à peine plus que la taille de la Terre et la taille la plus faible connue depuis la découverte du phénomène, avec une diminution de taille de près de 1 000 kilomètres par an depuis 2012. Il semble néanmoins que cette taille soit similaire à ce qui aurait été observé au XVIIe siècle si l’on se fie aux dessins des observateurs de l’époque. En l’absence d’éléments plus probants, les scientifiques ne savent décider s’il s’agit d’une tendance qui amènera sa disparition complète (certains vont jusqu’à parler de changement climatique global en cours sur Jupiter) ou s’il s’agit d’une fluctuation aléatoire normale (et donc seulement transitoire). Une hypothèse quant à son rapetissement est que depuis l’époque de Voyager, la vitesse des vents entourant la tache a augmenté de 70 % ; cette vitesse est d’environ 700 km/h tandis qu’en 1979, elle était d’environ 400 km/h. Selon Amy Simon, du NASA Goddard Space Flight Center, les dernières observations constatent l’existence de nombreux petits tourbillons qui entretiendraient le vortex et pourraient avoir un impact sur l’accélération du changement en modifiant les dynamique et énergie internes de la Grande Tache.

Entre 2014 et 2015, la Tache aurait rétréci de 240 kilomètres, pour atteindre une forme quasi-circulaire de 15 660 kilomètres de diamètre. Au 3 avril 2017, la tache mesure 16 350 kilomètres de large, soit 1,3 fois le diamètre de la Terre.

Vents et rotation

La Grande Tache rouge est confinée par deux courants-jet : un jet de force relativement modeste vers l’est (prograde) sur son côté sud et un autre très fort vers l’ouest (rétrograde) sur le nord. On observe depuis 1966 que sa rotation va à l’inverse des aiguilles d’une montre, c’est-à-dire dans le sens anti-horaire. Ceci a été confirmé par Voyager 1 et 2 en 1979 : à cette époque, la période de rotation était de 6 à 8 jours terrestres, ce qui correspond à des vents d’environ 400 km/h en périphérie. La période de rotation a diminué avec le temps, proportionnellement à la diminution de sa grandeur, ce qui pourrait indiquer un lien entre les deux phénomènes.

Structure et composition

Dans la troisième dimension, on a pu noter que le sommet des nuages de la Grande Tache rouge s’élève à plus de 8 km au-dessus du sommet des nuages environnants, ce qui est une conséquence de sa température plus basse, détectée par l’étude de données infrarouges à 892 nanomètres. Habituellement, les formations blanches sont formées de nuages de très haute altitude et les formations brunes sont au niveau des nuages les plus nombreux.

L’origine de la couleur très marquée de la Grande Tache rouge ne fait pas l’objet d’un consensus, même s’il est probable qu’elle réclame des composés organiques ou des molécules phosphorées ou sulfurées. Certains astronomes pensent que cette couleur est produite par une réaction chimique : la tache puise des matériaux non identifiés dans les profondeurs de Jupiter que la lumière ultraviolette du Soleil ferait réagir chimiquement. Une autre possibilité est que ces composés chimiques soient produits par des décharges électriques.

Températures

En associant les données acquises avec le spectromètre infra-rouge du VLT à celles obtenues avec d’autres observatoires, les astronomes ont pu se rapprocher de la résolution du télescope spatial Hubble et obtenir des images thermiques précises : la température moyenne de la tache est de – 160 °C, le centre de l’anticyclone étant plus chaud de 3 à 4 °C, là même où la couleur rouge est plus prononcée. Cette différence de température est suffisante pour permettre à la circulation de la tempête, habituellement dans le sens horaire, de se changer en lente circulation dans le sens anti-horaire au cœur même du centre de la tempête. Les bandes sombres qui se distinguent indiquent des masses de gaz plus froides qui suivent des courants descendants vers les profondeurs de la planète géante.

Stabilité et durée de vie

La Grande Tache rouge a été découverte par Cassini en 16656. Ces observations originales s’étalent de 1665 à 1713. Néanmoins les données provenant d’entre sa découverte en 1665 et 1830 ne permettent pas de déterminer avec certitude si la Grande Tache rouge est la même qu’à l’origine ou si elle s’est dissipée et reformée, ou bien si les observations d’avant 1830 n’étaient simplement pas archivées. Néanmoins, tout porte à croire qu’il s’agit bien de la même tache que celle que l’on observe encore de nos jours. Si c’est effectivement le cas, c’est un record de longévité exceptionnel pour un anticyclone : sur Terre, les anticyclones ne durent que quelques dizaines de jours. Même si des phénomènes similaires sont enregistrés dans les atmosphères de toutes les planètes à atmosphère gazeuse (en particulier la Grande Tache sombre de Neptune), les scientifiques s’interrogent aujourd’hui encore sur l’origine exacte de cette formation et sur le mécanisme qui l’entretient aussi régulièrement.

Des simulations ont indiqué que sa stabilité peut provenir de l’absence de surface solide sous la Grande Tache rouge (qui évite ainsi la plus grande partie de la dissipation par frottement) et d’une tendance naturelle à absorber les turbulences alentour (comme source d’énergie renouvelée puisée dans la chaleur de l’atmosphère jovienne)1. Des modèles mathématiques suggèrent que la tempête est stable et est une caractéristique permanente de la planète, il n’y a cependant pas consensus sur la question parmi les spécialistes.

10
Jan
2014