James-Webb Telescope (télescope spatial)

JWST effectue ses observations dans l’infrarouge. D’une masse de 6 200 kilogrammes, il est doté d’un miroir primaire de 6,5 mètres de diamètre (contre 2,4 mètres pour Hubble) : son pouvoir de résolution atteint 0,1 seconde d’arc dans l’infrarouge (0,6′ à 27 microns de longueur d’onde) et il peut collecter une image 9 fois plus rapidement que Hubble. La résolution de ses instruments doit être utilisée, entre autres, pour observer les premières étoiles et galaxies formées après le Big Bang.

Le projet, renommé en 2002 du nom du second administrateur de la NASA James E. Webb, est en fin de phase de conception et sera mis en service au printemps 2020. Le télescope doit être lancé par une fusée Ariane 5 depuis Kourou et sera positionné au point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre, à 1,5 million de kilomètres de la Terre du côté opposé au Soleil. Pour conserver cette position il est prévu que l’observatoire corrige périodiquement sa position à l’aide de petites poussées. Les réserves de combustibles prévues à cette fin doivent lui permettre de rester fonctionnel, en position, une dizaine d’années.

Historique du projet

Premières esquisses (1989-1994)

En 1989, le directeur du Space Telescope Science Institute, le centre chargé des opérations du télescope spatial Hubble, initie une réflexion sur le télescope qui devra prendre la relève de Hubble vers 2005. Les conclusions de l’atelier de travail, organisé avec le soutien de la NASA, proposent que l’agence spatiale mette à l’étude un télescope de 8 mètres de diamètre observant dans le proche infrarouge avec un système de refroidissement passif. Les problèmes rencontrés par Hubble peu après son lancement (1990) mettent provisoirement fin à l’étude de ce projet de télescope, baptisé « Next Generation Space Telescope » (NGST). En 1993 un comité est créé par la NASA et la communauté des astronomes pour définir les besoins futurs des astronomes : ceux-ci proposent de prolonger la vie de Hubble jusqu’à 2010 et d’étudier la faisabilité d’un télescope spatial avec un miroir de 4 mètres répondant à l’objectif d’étudier le processus de formation des galaxies, des étoiles, des planètes et de la vie, avec l’accent mis sur les débuts de l’Univers. La réponse à ce cahier des charges est en 1994 le développement d’un télescope de 4 mètres baptisé Hi-Z, circulant sur une orbite de 1 × 3 Unités Astronomiques.

Le choix du télescope de 8 mètres (1995-1996)

Daniel Goldin, administrateur de la NASA en 1995 et instigateur du Faster, Better, Cheaper (« plus vite, meilleur et moins cher »), encourage la communauté des astronomes à faire des choix audacieux et à retenir un miroir de 8 mètres tout en identifiant des technologies permettant d’en abaisser le coût. Les astronomes reprennent cette orientation, qui semble nécessaire sur le plan scientifique pour étudier les galaxies ayant un décalage vers le rouge de 1 à 5 ou même plus, proposent de nouveaux projets basés sur le principe d’un miroir de 8 mètres déployable, placé en orbite autour du point de Lagrange, avec une optique sans baffle, refroidie de manière passive grâce à un pare-soleil multi-couches. Une étude de faisabilité, réalisée en 1996 par quatre sociétés, aboutit à la conclusion qu’il était possible de réaliser un tel télescope pour un coût de 500 millions US$, à condition que l’ensemble, y compris les instruments, soit développé par la même société. Cette dernière hypothèse s’avérera par la suite inapplicable, en particulier pour les instruments. Des simulations plus détaillées effectuées par la suite permettent de préciser l’instrumentation scientifique nécessaire. On envisage désormais d’observer des galaxies avec un décalage vers le rouge de 15 qui nécessite de pouvoir observer dans l’infrarouge moyen. Ces simulations mettent en évidence la nécessité de faire de la spectroscopie, car les instruments basés sur Terre ne peuvent prendre en charge cet aspect de l’observation (comme cela se fait pour Hubble) du fait du décalage important dans le rouge, entraînant l’interception du rayonnement lumineux par l’atmosphère.

Le projet se précise (1997-2001)

De 1997 à 2000, un groupe de travail formé par la communauté des astronomes, le Science Working Group, s’attelle à la définition des principaux objectifs scientifiques que doit pouvoir remplir le futur télescope, et en déduit l’instrumentation qui doit permettre de les atteindre. Le télescope NGST doit comporter une caméra à grand champ dans l’infrarouge proche, un spectrographe dans l’infrarouge proche multi-objets et un spectroimageur fonctionnant dans l’infrarouge moyen. Les bases d’une collaboration de la NASA avec l’Agence spatiale canadienne et l’Agence spatiale européenne sont posés à cette époque. Les premières études techniques sont menées pour la mise au point des miroirs de faible masse, du système de détection et de contrôle du front d’ondes, des détecteurs et des actionneurs . À fin 2000 une analyse détaillée démontre que le coût du télescope dépasse de plusieurs centaines de millions US$ le budget prévu. Le lancement n’est pas envisageable avant 2008, compte tenu de la durée du cycle de développement des miroirs. Pour réduire le coût, le diamètre du miroir primaire est ramené en 2001 à 6 mètres.

Sélection des constructeurs (2003-2004)

Les deux principaux constructeurs du télescope – TRW/Ball Aerospace et Lockheed-Martin – sont sélectionnés, tandis que le Jet Propulsion Laboratory est retenu pour le développement de l’instrument MIRI. En juin 2002 le développement de la caméra NIRCAM est confiée à une équipe de l’Université de l’Arizona. Le télescope est rebaptisé en septembre 2002 James Webb Space Telescope (JWST), en l’honneur de cet administrateur à la tête de la NASA à l’époque du programme Apollo. Le lanceur Ariane 5, dont le financement est assuré par l’ESA, est sélectionné en 2003 pour placer en orbite le télescope, en lieu et place de la fusée Atlas V, envisagée initialement mais de capacité moindre. Parallèlement, la superficie du miroir est réduite de 29,4 à 25 m2 tandis que le nombre d’éléments du miroir primaire passe de 36 à 18. La NASA choisit le béryllium comme matériau pour la fabrication de ce miroir primaire de 6,5 mètres de diamètre. Le télescope entre en 2004 dans une phase de spécifications détaillées (Phase B) qui durera finalement 4 ans. Les coûts du télescope sont revus à la lumière du résultat des spécifications détaillées.

Objectifs scientifiques

Les quatre principaux objectifs scientifiques du JWST sont :

– la recherche de la lumière des premières étoiles et galaxies qui sont apparues dans l’univers après le Big-Bang ;
– l’étude de la formation de la galaxie et de son évolution ;
– la compréhension des mécanismes de formation des étoiles ;
– l’étude des systèmes planétaires et de la formation de la vie.

Étude des premières étoiles et galaxies

Tous ces objectifs sont remplis de manière plus efficace en étudiant le rayonnement infrarouge plutôt que la lumière visible. Le décalage vers le rouge, la présence de poussières et la température très faible de la majorité des objets étudiés nécessitent que le télescope fasse ses observations dans l’infrarouge, sur une longueur d’onde comprise entre 0,6 et 28 microns. Pour que ces mesures ne soient pas perturbées par les émissions dans l’infrarouge en provenance du télescope lui-même et de ses instruments, l’ensemble doit être maintenu dans une gamme de températures inférieure à 55 K8 (aux alentours de 40 K, soit −233,15 °C).

À cet effet le télescope comporte un vaste bouclier thermique métallisé qui renvoie les rayons infrarouges en provenance du Soleil, de la Terre et de la Lune. Le JWST sera positionné au point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre, ce qui permet au télescope d’avoir systématiquement le bouclier thermique entre ses capteurs et les 3 astres9.

Formation des galaxies

Les galaxies montrent comment la matière de l’univers est organisée à grande échelle. Elles fournissent des indices sur la nature et l’histoire de l’univers. Les scientifiques essaient de déterminer comment cette matière s’est organisée et comment elle a changé depuis le Big Bang en étudiant la distribution et le comportement de la matière à différentes échelles de la particule, de niveau subatomique aux structures galactiques. Dans ce contexte le télescope JWST doit permettre de répondre aux questions suivantes sur les galaxies10 :

Les galaxies spirales (dont la notre) n’ont pas toujours eu cette forme. Elles se sont formées sur plusieurs milliards d’années par le biais de plusieurs processus, dont la collision entre des galaxies de plus petites tailles. L’hypothèse qui reste à confirmer, est que toutes les galaxies géantes ont subi ainsi au moins une fusion majeure alors que l’univers avait 6 milliards d’années.
Les galaxies les plus éloignées (donc les plus anciennes) ont une structure très différente des galaxies récentes. Elles sont petites et ramassées, avec des régions très denses, où se forment de nouvelles étoiles. Le passage de cette forme à celle des galaxies spirales n’est pas expliqué.
On ne sait pas comment les premières galaxies se sont formées et comment on en est arrivée à une telle variété de forme. Quelle est la relation entre les trous noirs supermassifs situés au cœur de la majorité des galaxies et la nature de celles-ci ? Qu’est-ce qui déclenche la formation des étoiles : Est ce que cela résulte d’un processus interne ou s’agit il d’un phénomène induit par l’interaction avec une autre galaxie ou une fusion de galaxies ? Par quel mécanisme les galaxies se forment-elles aujourd’hui et s’assemblent-elles ?

Naissance des étoiles et des systèmes protoplanétaires

A venir …

Étude des exoplanètes et origine de la vie

Le télescope JWST prend le relais du télescope spatial Hubble qui arrivera en fin de vie au moment de son lancement8. Il ne couvre toutefois qu’une partie du spectre lumineux dans le visible que pouvait observer son prédécesseur.

Conception de la mission

Le développement de l’observatoire spatial JWST est particulièrement ambitieux et complexe car il introduit plusieurs innovations techniques pour permettre d’atteindre les performances visées. Celles-ci imposent un télescope à très grande ouverture (6,5 m), une température très basse des détecteurs obtenue sans fluide cryogénique pour obtenir une durée de vie longue et des conditions d’observations dépourvues de lumière parasite. Pour y parvenir l’observatoire spatial est protégé de la lumière venant du Soleil et de la Terre par un énorme bouclier thermique qui maintient de manière passive la température des détecteurs à 37 kelvin, ce qui permet d’obtenir de très bonnes performances dans l’infrarouge proche et moyen. Les observations sont effectuées dans la bande spectrale 0,6-28 microns. La sensibilité du télescope est limitée uniquement par la lumière zodiacale et dépasse celle des plus grands observatoires terrestres d’un facteur 10 à 100 000 selon le mode d’observation et la longueur d’ondes. L’observatoire est conçu pour fonctionner au minimum 5 ans et emporte des consommables (ergols) pour 10 ans. Sa masse totale est de 6,5 tonnes. Les principales innovations sont le miroir principal déployé en orbite puis ajusté précisément, le déploiement du bouclier thermique et l’introduction d’un système de micro-obturateurs utilisant la technologie des MEMS.

Le télescope James Webb combine une très grande ouverture avec une qualité d’image caractérisée par une faible diffraction et une sensibilité sur un large spectre infrarouge. Aucun observatoire terrestre ou spatial ne possède ses caractéristiques. L’ouverture du télescope spatial Hubble est beaucoup plus faible et il ne peut observer dans l’infrarouge que jusqu’à 2,5 µm contre 28 µm pour JWST. Spitzer, grand télescope spatial de la NASA dédié à l’infrarouge, lancé en 2003 a une ouverture beaucoup plus faible (83 cm), est beaucoup moins sensible et dispose d’une résolution angulaire beaucoup plus basse. En spectroscopie, le télescope James Webb dispose, grâce à son mode multi-objets et intégrale de champ de capacités absentes chez Hubble et Spitzer. Ses caractéristiques lui permettent d’observer l’ensemble des galaxies dont le décalage vers le rouge est compris entre 6 et 10 et de détecter la lumière des premières galaxies apparues après le Big Bang, dont le décalage vers le rouge est d’environ 1513. Webb est conçu pour être complémentaire par rapport aux futurs grands observatoires terrestres, comme le Télescope de Trente Mètres dans les longueurs d’ondes allant jusqu’à 2,5 µm. Il conserve sa supériorité au delà de cette longueur d’ondes, car les observatoires terrestres sont handicapés par les émissions thermiques de l’atmosphère.

Réalisation du télescope spatial

Fabrication, test et assemblage des composants (2004-2016)

La réalisation des parties les plus complexes du télescope, qui nécessitent une longue phase de développement, à savoir les instruments et les 18 segments du miroir primaire, débutent dès mars 2004. En aout 2006, les instruments NIRCam et MIRI passent la Revue critique de définition ce qui permet d’entamer la réalisation des modèles de vol. De janvier 2007 à décembre 2008, des commissions, internes à la NASA et externes, passent en revue la conception et la planification du projet et donnent leur accord pour le passage en phase C (définition détaillée) et D (construction). En juillet 2008, le constructeur de la structure ISIM (Integrated Science Instrument Module), dans laquelle sont logés les instruments, livre celle-ci au centre spatial Goddard pour une série de tests. Ceux-ci doivent permettre de vérifier que la structure est capable de supporter le lancement puis l’environnement thermique de l’espace, tout en maintenant les instruments dans une position précise par rapport à la partie optique. En mars 2010, le JWST passe la revue critique de conception, dont l’objectif est de s’assurer que le télescope spatial remplit bien tous les objectifs scientifiques et techniques fixés par le cahier des charges. En novembre 2011, la réalisation des miroirs primaires s’achève.
Ceux-ci, après polissage, ont été recouverts d’une mince couche d’or, et ont subi avec succès un test cryogénique destiné à s’assurer de leur comportement lorsqu’ils seront exposés au froid de l’espace. Le centre spatial Goddard réceptionne en janvier 2012 les deux premiers instruments scientifiques – le spectromètre MIRI, fonctionnant dans l’infrarouge moyen, livré par l’Agence spatiale européenne et le spectro-imageur NIRISS, fourni par l’Agence spatiale canadienne – ainsi que le système de guidage fin FGS, livré par la même agence. Ball livre au centre Goddard les trois premiers segments du miroir primaire, tandis que Northrop Grumman et son partenaire ATK achèvent la fabrication de la partie centrale de la structure supportant le miroir primaire. Fin février s’achève la construction des deux parties mobiles du support du miroir primaire, tandis que les deux derniers instruments scientifiques, la caméra NIRCam et le spectrographe NIRSPec, sont livrés respectivement par l’Université de l’Arizona et l’Agence spatiale européenne. La construction de la plateforme, qui rassemble tous les équipements de support, s’achève en 2014. Gruman réalise un modèle d’ingénierie à l’échelle 1 du bouclier thermique, pour tester le pliage et le déploiement de celui-ci. La même année, le module ISIM, dans lequel ont été assemblés les quatre instruments scientifiques, subit avec succès une série de tests thermique qui permettent de vérifier les performances et le comportement de l’électronique associée. En octobre 2015, la partie optique du télescope (l’OTE Optical Telescope Element), comprenant les 18 segments du miroir primaire, la structure de support ainsi que le miroir secondaire, sont assemblés. En mars 2016, la partie optique et l’ISIM avec les instruments scientifiques sont à leur tour assemblés.

Tests et assemblage finaux (2017)

Début 2017, l’ensemble formé par la partie optique et les instruments fixés à l’ISIM sont convoyés par bateau au centre spatial Johnson à Houston (Texas). Là des tests optiques sont réalisés dans la chambre à vide A. Puis le bouclier thermique, la plateforme, l’ISIM et l’optique sont assemblés en 2018, chez Northrop Grumman, puis préparés pour leur envoi sur la base de Kourou. A la réception, des tests limités sont effectués, puis le plein d’ergols est effectué. Le télescope spatial est placé en position repliée sous sa coiffe, qui est fixée au sommet du lanceur Ariane 5 ECA retenu pour la mise en orbite. Le lancement est prévu au printemps 2020.

L’envolée des coûts

En 2005, le coût total du projet était estimé à 4,5 milliards de dollars, dont 3,3 milliards pour la conception, la construction, le lancement et la mise en marche, et environ 1 milliard pour la phase opérationnelle, estimée à 10 ans. L’Agence spatiale européenne ESA contribue à hauteur de 300 millions d’euros. Ce budget comprend :
– la prise en charge du lancement par une fusée Ariane 5 ;
– la réalisation de l’imageur MIRI développé sous maîtrise d’œuvre du CEA ;
– la réalisation de l’instrument NIRSpec (Near InfraRed Spectrograph) développé par Astrium. L’agence spatiale canadienne contribue au projet à hauteur de 39 millions de dollars canadiens. Le Canada doit développer l’instrument FGS (Fine Guidance Sensor).

Évalué à 3 milliards de dollars en 2005 (partie financée par la NASA), le coût du télescope est régulièrement réévalué au cours des années suivantes. En 2009, le coût du projet est une nouvelle fois revu à la hausse. Il est établi à environ 3,5 milliards d’euros (4,92 milliards de dollars). Pour certains acteurs du programme scientifique, son coût est devenu trop important, grevant les budgets des agences spatiales, dont ceux d’autres missions scientifiques de la NASA1. Au cours de l’été 2011, l’annulation du projet est envisagée par certains représentants du Congrès américain à la suite d’une dernière réévaluation du coût, désormais estimé à 8,8 Md US$ en incluant la gestion opérationnelle, mais sans compter la participation de l’Agence spatiale européenne (650 M US$). Finalement, le projet échappe à l’annulation mais la NASA est sommée de fournir une évaluation mensuelle de l’évolution de l’avancement du projet et de son coût.

15
Juil
2013