E-ELT (European Extremely Large Telescope)

Il sera situé au nord du Chili, sur le Cerro Armazones (3 060 mètres d’altitude) qui fait partie de la cordillère de la Costa (Andes centrales) et à vingt kilomètres à l’est du Cerro Paranal, site des quatre télescopes du VLT de l’ESO. Pour pouvoir effectuer des percées décisives, telles que l’observation des premières galaxies ou des exoplanètes, il sera capable de collecter quinze fois plus de lumière que le VLT, ce qui en fera le télescope le plus puissant au monde. Il est actuellement prévu que l’E-ELT entre en service au cours de l’année 2024.

Les raisons de l’émergence des très grands télescopes
Les motivations à l’origine de la construction d’un télescope de très grande taille sont résumées dans la première étude de l’Observatoire européen austral (ESO) réalisée sur le sujet :
– Au cours de la seconde moitié du xxe siècle l’accroissement de la sensibilité des télescopes optiques est liée essentiellement (à hauteur de 80 %) aux améliorations apportées aux instruments placés aux foyers optiques et exploitant la lumière collectée. Dans la mesure où ceux-ci ont atteint une quasi perfection, il est désormais nécessaire, pour maintenir le même rythme de progrès scientifiques, d’accroître de manière importante le diamètre des télescopes.
– Les objectifs prioritaires dans le domaine scientifique, tels que la détection et la caractérisation des exoplanètes similaires à la Terre ou l’étude spectroscopique des galaxies les plus lointaines et d’autres objets comme les Supernovae ou les sources de sursauts gamma, nécessitent de disposer de télescopes dont le diamètre atteint 100 mètres ou plus.
– L’utilisation d’un miroir segmenté introduite par le Multiple Mirror Telescope permet d’envisager des miroirs de beaucoup plus grande taille. Les contraintes découlant d’un diamètre élevé relèvent désormais uniquement des domaines de la mécanique et la cinématique. L’existence de radiotélescopes de 100 mètres et plus constitue un précédent et une source d’inspiration même si les exigences sont beaucoup moins élevées lorsqu’il s’agit d’observer les grandes longueurs d’ondes.
– L’arrivée à maturité des techniques de correction du front d’ondes, en particulier l’optique adaptative, permet aux télescopes terrestres d’accéder au domaine des hautes résolutions angulaires réservées jusque-là aux télescopes spatiaux comme Hubble.

Le projet de télescope de 100 mètres OWL

À partir de 1998, l’Observatoire européen austral (ESO) mène des études de conception d’un télescope géant comportant un miroir de plus de 100 mètres de diamètre. Les premières études de faisabilité de l’Overwhelmingly Large Telescope (OWL) (allusion à la désignation anglaise de la chouette) sont peu approfondies. Mais progressivement le projet prend de l’ampleur. En décembre 2004, le Conseil de l’ESO décide de compléter rapidement les études en cours en s’appuyant largement sur son expertise interne mais également sur l’avis des industriels et de la communauté scientifique avec comme objectif de faire évaluer le projet fin 2005 par un panel d’experts internationaux. Le télescope envisagé a un miroir primaire d’un diamètre de 100 mètres avec une surface collectrice de 6 000 m2. Au-delà de la faisabilité technique, l’objectif de l’étude est de modifier le ratio entre coût et diamètre (D) du miroir primaire régi jusque-là par une loi D2,6 (D puissance 2,6) en le faisant passer à D1,4. Le rapport d’étude du projet OWL Blue-Book est publié en octobre 2005. Il confirme la possibilité technique de réaliser un observatoire de la taille envisagée. Le panel d’experts consulté en novembre 2005 donne un avis favorable à la principale innovation technique embarquée consistant à insérer au moins un miroir adaptatif au sein du télescope. Mais la commission identifie plusieurs risques techniques : recours à un miroir M2 segmenté et à un miroir M4 fortement asphérique, système de guidage laser mal adapté à la taille du miroir. Compte tenu de ces risques et un coût (évalué à 1,2 milliard €) dépassant la capacité financière de l’ESO pour une construction s’étalant sur la période envisagée (2008-2020), le panel d’experts conseille plutôt de développer un télescope de taille plus modeste, ayant un miroir d’un diamètre compris entre trente et soixante mètres, considérant que la complexité et la dérive budgétaire inhérente à ce type de projet seraient mieux maîtrisées.

L’E-ELT

En décembre 2005, le projet baptisé dans son nouveau format E-ELT (European Extremely Large Telescope) entre dans une phase de consultation avec la communauté astronomique internationale, visant à définir les caractéristiques détaillées du télescope. Cinq groupes de travail sont formés pour définir les différentes caractéristiques du télescope : identification des objectifs scientifiques, choix des instruments, sélection du site d’implantation, architecture du télescope et étude de l’optique adaptative. Durant l’été 2006, les rapports de chaque groupe sont remis à l’ESO. Ces rapports conseillent que l’ELT soit capable d’observer dans le domaine visible et infrarouge. Le 1er juin 2006, Jason Spyromilio est désigné comme directeur du projet E-ELT. Le 11 décembre 2006, les membres de l’ESO décident de lancer les études préalables à la construction de l’E-ELT. Le diamètre prévu du miroir est de 39 mètres7, pour un coût total de l’appareil estimé entre 800 millions et un milliard d’euros.

Sélection du site

En mars 2010, le comité de sélection décide de construire l’E-ELT sur le sommet du Cerro Armazones à un peu moins de 3 000 mètres d’altitude. Le site est situé à une vingtaine de kilomètres du Cerro Paranal qui héberge déjà l’instrument phare de l’ESO, le VLT8. Cette région située dans le désert de l’Atacama au nord du Chili se caractérise à la fois par une extrême sécheresse et une nébulosité très faible qui permet des observations de très grande qualité avec peu d’interruptions liées à la météorologie. Le site retenu avait été préempté par le passé pour la construction de l’homologue américain de l’E-ELT, le Télescope de Trente Mètres, qui a finalement retenu une implantation sur le Mauna Kea dans l’archipel d’Hawaï. Parmi les sites écartés figurent l’Observatoire du Roque de los Muchachos situé dans l’archipel des Canaries (Espagne) qui héberge déjà de nombreux télescopes, bien que l’Espagne ait proposé de payer 25 % du coût de la construction. Le Cerro Armazones est situé à 24° 35′ 52″ S, 70° 11′ 46″ O et à une altitude de 2 762 mètres. Il existe déjà à cet endroit un observatoire géré par l’Institut d’astronomie de l’université catholique du nord et l’institut d’astronomie de l’université de Bochum. Le conseil de l’ESO, le 26 avril 2010 a sélectionné officiellement le site de Cerro Armazones. Le 13 octobre 2011, un accord est signé entre le Chili et l’ESO pour la dotation de terrains ainsi que la création d’une zone protégée. Le lancement des travaux est programmé pour 2011 et les premières opérations sont prévues pour le début des années 2020.

Lancement du projet

Le ministre chilien des Affaires étrangères Alfredo Moreno Charme (en) (à droite), et le directeur général de l’ESO, Tim de Zeeuw signent l’accord portant sur la construction de l’observatoire (13 octobre 2011).
Le 9 décembre 2011, le Conseil d’administration de l’Observatoire européen austral (Conseil de l’ESO), approuve un budget qui permet de financer les travaux préparatoires sur la route conduisant au site de l’E-ELT au Cerro Armazones et de commencer les développements de certains composants optiques complexes. La décision été précédée par la signature d’un accord entre l’ESO et le gouvernement chilien portant sur la donation du terrain occupé par le futur télescope et une concession à long terme pour établir une zone protégée autour de celui-ci et le soutien du gouvernement chilien pour l’installation de l’observatoire. Le 11 juin 2012 le Conseil de l’ESO entérine, lors de sa réunion à Garching, la construction de l’E-ELT et de son premier lot d’instruments. Les travaux de construction de la route et de nivellement débutent cette année-là. Le 28 octobre 2013, le président du Chili, Sebastián Piñera remet les documents juridiques signés qui officialisent le transfert à l’ESO, des terres situées autour du Cerro Armazones pour la construction de l’E-ELT.

Le conseil de l’ESO se réunit le 4 décembre 2014 alors que le budget alloué à la construction de l’E-ELT (1 083 millions d’euros 2012) n’est financé qu’à hauteur de 71 %. Or l’ESO a une règle qui nécessite que plus de 90 % du budget soit débloqué pour que les travaux de plus de deux millions d’euros soient lancés. L’ESO est notamment en attente de la finalisation de l’adhésion de la Pologne (qui doit porter la part financée à 78 %) et du Brésil qui doit contribuer au budget de l’ESO à hauteur de 190 M€ pour les dix années suivantes mais dont la phase de ratification prend du retard. Pour tenir l’échéance de 2024, l’ESO décide en décembre de décomposer la livraison du télescope en deux phases dont la première porte sur un périmètre réduit permettant de lancer les travaux en respectant la règle budgétaire des 90 %. Les éléments suivants sont reportés à la phase II15 :

– 210 des 798 segments de miroir formant le miroir primaire. Les miroirs repoussés en phase II forment les cinq rangées internes.
– 133 segments de miroir qui doivent servir de pièces de rechange afin de permettre l’entretien continu du miroir primaire.
– Deux des six lasers utilisés par l’optique adaptative ainsi que le module LTAO qui doit contribuer aux performances des instruments METIS et HARMONI.
– Une des stations pré-focales.
– Construction du télescope et de ses instruments
– Les travaux de terrassement de la plateforme de l’observatoire sur le Cerro Armazones débutent le 19 juin 2014.

La première pierre de l’édifice est posé le 26 mai 2017 par la présidente chilienne Michelle Bachelet.

En mai 2018 les fondations des bâtiments commencent.

15
Juil
2013