Trous de ver

Un trou de ver formerait un raccourci à travers l’espace-temps. Pour le représenter plus simplement, on peut se représenter l’espace-temps non en quatre dimensions mais en deux dimensions, à la manière d’un tapis ou d’une feuille de papier. La surface de cette feuille serait pliée sur elle-même dans un espace à trois dimensions.

L’utilisation du raccourci « trou de ver » permettrait un voyage du point A directement au point B en un temps considérablement réduit par rapport au temps qu’il faudrait pour parcourir la distance séparant ces deux points de manière linéaire, à la surface de la feuille. Visuellement, il faut s’imaginer voyager non pas à la surface de la feuille de papier, mais à travers le trou de ver ; la feuille étant repliée sur elle-même permet au point A de toucher directement le point B. La rencontre des deux points serait le trou de ver.

L’utilisation d’un trou de ver permettrait le voyage d’un point de l’espace à un autre (déplacement dans l’espace), le voyage d’un point à l’autre du temps (déplacement dans le temps) et le voyage d’un point de l’espace-temps à un autre (déplacement à travers l’espace et en même temps à travers le temps).

Les trous de ver sont des concepts purement théoriques : l’existence et la formation physique de tels objets dans l’Univers n’ont pas été vérifiées. Il ne faut pas les confondre avec les trous noirs, dont l’existence tend à être confirmée par de nombreuses observations, dont le champ gravitationnel est si intense qu’il empêche toute forme de matière de s’en échapper.

Historique

Le physicien autrichien Ludwig Flamm (1885-1964) est parfois présenté comme étant le premier à avoir suggéré, dès 1916, l’existence des trous de ver. Mais la communauté scientifique s’accorde pour considérer que leur existence n’a été suggérée qu’en 1935, par Albert Einstein et Nathan Rosen.

Les trous de ver (wormholes) doivent leur nom à Charles W. Misner et John A. Wheeler qui désignèrent ainsi en 1957 les propriétés de connexions des différents points de l’espace.

Quelques années plus tard à l’université Harvard, Stephen Hawking et Richard Coleman reprirent le concept de Wheeler et suggérèrent que l’espace-temps pouvait être soumis à l’effet tunnel précité, reprenant l’idée avancée par Hugh Everett. À l’instar des électrons qui peuvent sauter d’un point à l’autre de l’espace, l’Univers ferait de même. L’effet tunnel créerait des ouvertures dans l’espace-temps qui conduiraient à d’autres univers, des univers cul-de-sac ou tout aussi vastes que le nôtre.

En 2013, Juan Maldacena et Leonard Susskind ont proposé une conjecture qui établit un lien entre l’intrication quantique et le trou de ver6 : la conjecture ER=EPR7.

Présentation générale

À l’heure actuelle, différents types de trous de ver ont été décrits de façon théorique. Tous sont des solutions mathématiques plutôt que des objets concrets :
– le trou de ver de Schwarzschild, infranchissable ;
– le trou de ver de Reissner-Nordstrøm ou Kerr-Newman, franchissable mais dans un seul sens, pouvant contenir – un trou de ver de Schwarzschild ;
– le trou de ver de Lorentz à masse négative, franchissable dans les deux sens.
Il existe des trous de ver à symétrie sphérique, tels ceux de Schwarzschild et de Reissner-Nordstrøm, qui ne sont pas en rotation, et des trous de ver tels ceux de Kerr-Newmann qui tournent sur eux-mêmes.

Si on essaie de fabriquer un trou de ver à partir de matière à masse positive, il explose en éclats. Si une matière à masse négative existe (Matière exotique), on peut en principe élaborer un trou de ver statique en accumulant des masses négatives.

La théorie d’Einstein précise qu’on peut fabriquer n’importe quel type de géométrie spatio-temporelle, statique ou dynamique. Toutefois, une fois la géométrie définie, ce sont les équations d’Einstein qui diront quel devra être le tenseur d’énergie-impulsion de la matière pour obtenir cette géométrie. En général, les solutions de trous de ver statiques requièrent une masse négative.

Einstein et Rosen proposaient sérieusement que les singularités pouvaient mener à d’autres endroits de l’Univers, d’autres régions de l’espace et du temps. Ces connexions spatio-temporelles sont connues sous le nom de « ponts d’Einstein-Rosen ». Mais ni l’un ni l’autre n’entrevoyaient une possibilité d’entretenir ces connexions en raison du caractère instable des fluctuations quantiques. Comme le disait John L. Friedman de l’université de Californie à Santa Barbara il s’agit d’une censure topologique.

Ces trous de vers dits de Lorentz requièrent de la matière exotique pour rester ouverts car elle demande moins d’énergie que le vide quantique qui subit des fluctuations d’amplitude variables. Il peut s’agir d’énergie négative par exemple, de l’antimatière qui maintiendrait l’ouverture du trou de ver loin de l’horizon. L’ouverture elle-même présente une pression de surface positive afin de la maintenir ouverte durant les transferts et éviter qu’elle ne s’effondre. Seul problème, personne ne sait comment stocker autant d’antimatière et suffisamment longtemps au même endroit pour entretenir ce tunnel dans l’espace-temps.

Pour approfondir les conséquences de la relativité générale, Kip Thorne et Richard Morris du Caltech tentèrent de découvrir par le biais de la physique quantique de nouvelles particules capables d’entretenir les trous de ver de Wheeler. Bientôt l’espace-temps foisonna de « sas de liaisons » que des « voyageurs de Langevin » exploraient au gré de leurs excursions sidérales. La littérature de science-fiction était aux anges mais éloignait peut-être Carl Sagan ou Isaac Asimov de la réalité. On entre dans un domaine très hypothétique et inaccessible à l’heure actuelle, sauf aux équipes de Deep Space Nine, Stargate SG-1 et autres Sliders.

Selon John Wheeler, deux singularités pourraient être reliées par un trou de ver, sorte de sas entre deux régions éloignées de l’univers. Seul inconvénient, nul ne sait comment entretenir un tel passage et lui donner une taille macroscopique. En effet ce « pont » est à l’échelle de Planck : il mesure 10−33 cm et est instable ; il se referme sur lui-même en l’espace de 10−43 seconde ! Pire, si on essaye de l’agrandir, il s’autodétruit … Comme aiment le dire les physiciens, le trou de ver appartient à l’« écume quantique » et obéit aux lois probabilistes.

Totalement différent d’une singularité, un trou de ver est « nu », il demeure visible aux yeux de tous et plus extraordinaire encore, il permet de voyager dans le temps en fonction du sens que l’on prend. Ce qui explique son attrait … tout théorique car il faudra encore longtemps aux physiciens pour passer au stade expérimental.

08
Nov
2013